Opinion | Santé : recréons une filière industrielle en France

Nous avons perdu et n’avons pas encore développé des industries clefs dans le secteur de la santé en France, pourtant nécessaires à notre autonomie, estime Mounia Chaoui. Il est temps d’agir de manière globale pour réindustrialiser la France.

Par Mounia Chaoui (Directrice associée chez Turenne Groupe) https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-sante-recreons-une-filiere-industrielle-en-france-1903405

Alors que la France se targuait de son système de santé, la crise du Covid-19 en a révélé les faiblesses : des hôpitaux à bout de souffle, des services de réanimation saturés et des soignants livrés à eux-mêmes. En parallèle, la crise s’est fait ressentir dans le secteur de l’industrie. On découvrait l’ampleur de notre dépendance industrielle en matière de santé vis-à-vis d’acteurs extra-européens.

On observe ainsi depuis un an 2.160 ruptures ou risques de ruptures d’approvisionnement de médicaments aussi communs que le Doliprane , l’adrénaline ou encore l’amoxicilline, déclarées à l’ANSM. Par ailleurs, notre territoire ne dispose pas de sites de production produisant à large échelle certaines nouvelles thérapies comme l’ARNm, principe actif essentiel des vaccins Covid, et de nombreux autres en développement.

Le constat est sans appel, nous avons perdu et n’avons pas encore développé à date des industries clefs dans la santé en France, pourtant nécessaires à notre autonomie. La preuve, Emmanuel Macron fait de cet enjeu une des priorités de son second quinquennat via le plan France 2030, et dédie 7,5 milliards d’euros à la réindustrialisation dans le secteur de la santé.

Nouveaux talents et soutien des fournisseurs

Nous devons agir de façon globale : la question des chaînes d’approvisionnement n’est que la face émergée de l’iceberg. Avant même la construction de nouvelles usines, il faut que nous nous engagions dans la réindustrialisation de la France sous toutes ses composantes.

En premier lieu nous devons attirer et former de nouveaux talents : des ouvriers, des ingénieurs, des techniciens ; c’est un élément indispensable au développement de notre industrie. Aussi, de nouveaux outils de production efficaces doivent être financés en parallèle de la recherche. La question de la création, du développement et du soutien de fournisseurs pérennes pour les entreprises de santé doit être posée et résolue.

Le développement et le lancement d’un nouveau médicament se comptent en années. Pour passer de l’éprouvette à la pharmacie, environ quinze ans sont nécessaires. Il faut compter la phase préclinique (étude sur l’animal), la phase clinique (étude chez l’homme), attendre l’autorisation de mise sur le marché et travailler en détail sur l’industrialisation et la commercialisation dès les étapes de développement clinique, avant de générer la moindre vente.

Les clefs du rayonnement

Le processus nécessite des capitaux importants et les fonds de capital-risque qui investissent sont souvent situés aux Etats-Unis, ce qui implique un déplacement du centre de décision outre Atlantique et engendre une cession à un groupe bio pharmaceutique américain ou une cotation au Nasdaq. Ce sont souvent ces jeunes pousses qui donnent naissance aux innovations médicales révolutionnaires et deviennent alors des licornes.

La création et le développement de licornes dans le secteur biotech sont certes clefs pour le rayonnement, le développement et la souveraineté de l’industrie de la Santé en France. Mais cela ne peut être l’unique objectif, il faut qu’elles soient intégrées à un tissu de PME et ETI solides et pérennes, notamment dans le domaine de la bioproduction, des essais cliniques, de l’intelligence artificielle, du diagnostic et du dispositif médical.

Intelligence artificielle

Pour être innovants, nous ne pourrons pas nous contenter de reproduire les mécanismes passés. Aujourd’hui, la Santé se développe en filières ; il faut donc aussi développer en filière un maillage de PME, ETI et licornes dans la Santé. La médecine évolue, la science aussi, notre industrie de santé doit logiquement suivre ce chemin.

Alors que les pathologies se complexifient et sont souvent plurielles, que de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle deviennent indispensables, la France doit se donner les moyens d’un nouvel élan en matière de santé, de la formation à la recherche et développement jusqu’à l’industrialisation et la commercialisation.

Mounia Chaoui