En principe, le chercheur et l’entrepreneur s’opposent. Alors que le premier brille à transformer de l’argent en intelligence, le second aspire à transformer de l’intelligence en argent. Peut-on exceller dans les 2 domaines à la fois, comment peut-on raisonnablement parvenir à développer une startup technologique ?
Les innovations de rupture, celles qui modifient radicalement notre façon de vivre ou de travailler, sont aujourd’hui le fait de startups. Elles sont portées par des entrepreneurs qui ont identifié une opportunité de marché non ou mal couverte par un produit ou service existant et qui réunissent les moyens humains et financiers pour la saisir. Il s’agit donc essentiellement de marketing au sens noble du terme.
La France est un pays où on a assez peu la culture du client et du service en général. Alors que le développement d’une startup passe par une série d’essais/erreurs rapide, il est très important de comprendre les réactions des clients, de les analyser et d’en tenir compte. Cela demande une bonne capacité d’analyse et une bonne dose d’expérience difficile à acquérir avec un marché domestique trop petit.
La France est un pays qui se différencie par une profonde culture technique. Les inventeurs de la French Tech ne se s’y sont pas trompés en caractérisant de la sorte notre écosystème de startups innovantes… qu’elles soient techniques ou pas. De fait, nous avons de nombreuses grandes écoles d’ingénieurs, des laboratoires de recherche, des grands groupes avec leurs lots d’incubateurs qui sont un creuset pour des nouvelles technologies ne demandant qu’à amorcer des projets de startups innovantes.
Le phénomène de création de startups de pure technologie est devenu un phénomène de mode au point qu’on lui a trouvé un nom : la deep tech. Quelques exemples : un propulseur pour nanosatellites, une super batterie sans agents chimique, un multiplicateur de débit dans les fibres optiques, une analyse automatique des électrocardiogrammes, une source de lumière vivante sans électricité…
Des startups de cette nature ont toujours existé. Actuellement, elles bénéficient d’un engouement supplémentaire de la part des investisseurs lassés des sujets des modes précédentes : réseaux sociaux, places de marché, internet des objets, commerce en ligne, etc. Attention aux pièges.
Personne n’achète de la technologie pour le plaisir de la technologie. Il faut se focaliser sur un besoin client qui n’est pas bien servi et pour lequel l’innovation technique que porte l’entrepreneur a un réel intérêt. Le marketing produit est plus que jamais nécessaire. Il demande un vrai travail de professionnel que ne maîtrise pas forcément l’inventeur de la technologie. Il doit être solidement accompagné.
Cet accompagnement sera long. Peu d’investisseurs ont aujourd’hui la capacité, voire la volonté, d’accompagner sur la durée des startups. Pourtant, partant d’une technologie fonctionnant en laboratoire, il faut lui donner le temps de trouver un marché, de l’industrialiser, de monter les circuits de distribution, de convaincre les clients, puis généralement tout recommencer… il n’y a quasiment pas d’exemple de startups ayant réussi en développant de façon linéaire son business plan initial. Avec des fonds de capital innovation prévus pour durer 10 ans maximum, dont les souscripteurs cherchent des liquidités rapides, synonymes de meilleure performance, il y a une réflexion à avoir.
Cette durée augmente logiquement les besoins en financement qui sont déjà conséquents, par nature, pour une startup technologique. Elle va consommer beaucoup de capital et nécessiter énormément de fonds de roulement au fur et à mesure qu’elle va trouver des clients. L’augmentation des capitaux disponibles à laquelle on assiste actuellement est favorable mais sert pour l’instant à financer plus de projets sans augmenter les montants investis projet par projet. Il faut sans doute être plus sélectif sur les investissements initiaux et garder de la réserve sur la durée.
Les sorties sont difficiles dans un pays où le marché boursier et le marché secondaire sont peu actifs. Il faut donc se tourner vers des industriels or les industriels français payent peu. Ainsi, des projets qui ont consommé beaucoup de cash sur des longues périodes sont structurellement peu rentables à moins de trouver des acquéreurs étrangers. Là, nous pêchons par manque d’anticipation et d’internationalisation de notre écosystème. L’accompagnement des entrepreneurs dans leurs relations avec des corporate, si possible étrangers, tôt dans l’histoire de la société est un facteur important de réussite.
Malgré les pièges dont certains ont été évoqués ici, le développement de startups technologiques est une réelle opportunité dont la France peut faire une force et une marque de fabrique. Le passage de la French Tech à la French Deep Tech demande un effort d’accompagnement qu’il ne faut pas sous-estimer.
Jérôme Faul – Président du Directoire d’Innovacom
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